Tragédienne

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Récemment, j'ai écrit à une vague relation. Je lui raconte un peu ma vie, mes soucis, mes emmerdes, histoire de m'épancher.
Sa réponse :
"Je relis votre message pour la 3ème fois, et si je vous entends bien....
Vous craignez d'avoir attrapé une sale maladie (cancer ou équivalent)."
Je relis moi aussi mon message trois fois histoire de voir si j'ai lâché le mot cancer par inadvertance mais non.
Seulement quelque chose dans le ton. Un côté dramatique, genre si vous saviez mon pauvre à quel point ma vie est difficile en ce moment.
Je ne dis pas non plus qu'elle est vraiment facile.
Après il est question de clés et de ceintures de chasteté. Cette façon qu'ont certaines personnes de faire de l'humour dans les moments graves.
Je m'en vais de ce pas lui écrire que je ne suis pas à l'article de la mort.
Ah ça non.
Et même si c'était vrai, je l'emmerde la mort.
Non mais quand même.



Oui, prince, je languis, je brûle pour Thésée.
Je l'aime, non point tel que l'ont vu les enfers,
Volage adorateur de mille objets divers,
Qui va du dieu des morts déshonorer la couche ;
Mais fidèle, mais fier, et même un peu farouche,
Charmant, jeune, traînant tous les coeurs après soi,
Tel qu'on dépeint nos dieux, ou tel que je vous vois.
Il avait votre port, vos yeux, votre langage;
Cette noble pudeur colorait son visage,
Lorsque de notre Crète il traversa les flots,
Digne sujet des voeux des filles de Minos.
Que faisiez-vous alors ? Pourquoi sans Hippolyte
Des héros de la Grèce assembla-t-il l'élite ?
Pourquoi, trop jeune encor ne pûtes-vous alors
Entrer dans le vaisseau qui le mit sur nos bords ?
Par vous aurait péri le monstre de la Crète,
Malgré tous les détours de sa vaste retraite.
Pour en développer l'embarras incertain,
Ma soeur du fil fatal eût armé votre main.
Mais non, dans ce dessein je l'aurais devancée.
L'amour m'en eût d'abord inspiré la pensée.
C'est moi, prince, c'est moi, dont l'utile secours
Vous eût du Labyrinthe enseigné les détours.
Que de soins m'eût coûtés cette tête charmante !
Un fil n'eût point assez rassuré votre amante.
Compagne du péril qu'il vous fallait chercher,
Moi-même devant vous j'aurais voulu marcher,
Et Phèdre au labyrinthe avec vous descendue,
Se serait avec vous retrouvée, ou perdue.

Phèdre, Acte II, scène V, Gallimard, Collection Folio Théâtre, pp. 64-65.
Par Sarah Bernhardt. A écouter ci-dessous (sans sourire).




3 murmures:

anne des ocreries a dit…

En effet, dans les moments graves certaines personnes font de l'humour ; lorsqu'elles parlent d'elles, il s'agit d'une sorte de pudeur ; lorsqu'elles parlent des autres, il peut s'agir d'une sorte de gêne - alors on introduit cette distance par crainte de sombrer dans le mélo.
Mais aussi...choissons, si possible, quel message passer à quel interlocuteur ! une relation n'est pas l'oreille amicale dont on pouvait avoir besoin...se sentant dépassée par ce qui lui choit dessus, se sentant obligée de "porter" ce dont vous lui parlez, il se peut qu'elle ait flanché...
Vous avez raison : la mort, le meilleur moyen de la mater c'est encore de ne pas se mettre en son pouvoir - de ne pas lui laisser prise sur vous même. On le sait bien qu'elle attend là, aux aguets !qu'elle gagnera... pas la peine de la laisser nous pourrir d'angoisses, pas vrai ?
D'ici là si nous vivions ?

toutaubord a dit…

Vivons donc et oublions ce qui nous fait pleurer,et vive les amies blogueuses

Marcus a dit…

Et Phèdre au labyrinthe avec vous descendue,
Se serait avec vous retrouvée, toute nue.

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